Homélie et Témoignage – Dimanche de la Santé – 5ème dimanche du Temps Ordinaire

Qui enverrai-je ?
Cette question que pose Dieu au prophète Isaïe, dans la première lecture, s’adresse à chacun de nous, individuellement et collectivement.

Lorsque nous recevons un appel à nous engager, au nom de notre foi, quelle est notre réaction ?
Il est bon de prendre le temps pour discerner les appels qui nous sont adressés ; en effet, nous ne sommes pas tous dans les dispositions de spontanéité que les textes d’aujourd’hui nous présentent : Isaïe répond immédiatement « Me voici, envoie- moi », et les disciples Jacques, Jean et Simon-Pierre « laissant tout », suivent Jésus.

Pour autant, après avoir discerné, si notre réponse est systématiquement un refus à nous engager à la suite du Christ, il est bon de s’interroger : Est-ce que notre foi change réellement notre vie ? Comme l’apôtre Paul le rappelle aux Corinthiens, dans la deuxième lecture, si nous « gardons » la Parole reçue, c’est à dire si elle nous fait vivre au quotidien, si elle nous aide à « tenir bon » alors nous serons « sauvés ». «Autrement, c’est pour rien que nous sommes devenus croyants ».

La Bible est remplie de personnages qui expriment des objections ou un refus lorsqu’ils reçoivent un appel inattendu de Dieu ; Isaïe comme Pierre dans les textes d’aujourd’hui se ressentent « pécheurs », trop éloignés de Dieu. Ils expriment, chacun, que nul ne peut subsister dans la présence de Dieu et affirment que la miséricorde de Dieu leur est nécessaire pour avancer sur le chemin
que Dieu leur propose.
Nous pouvons évoquer les réticences de Moïse, dans le livre de l’Exode. Moïse refuse d’aller voir Pharaon malgré les signes que Dieu lui montre au buisson ardent: « Je t’en prie, mon Seigneur, envoie n’importe quel autre émissaire ! » (Ex 4,13). Il y a également Jonas, qui reçoit lui aussi l’appel de Dieu pour porter sa parole à Ninive, et s’enfuit à l’opposé, « loin de la face du Seigneur » (Jon 1,03).
Mais ce moment de doute, de recul ou de refus initial ne les empêche pas par la suite de s’engager.
Il peut nous arriver d’objecter que nous ne savons pas faire, que nous sommes pas capables : Mais Dieu ne nous a-t-il pas confié des talents à faire fructifier ? Et si Dieu nous appelle, nous sommes alors invités à avoir confiance en Dieu, Lui qui nous accompagne à chaque instant.
Et malgré les difficultés que nous serions amenés à rencontrer, essayons de repérer et de contempler les grâces reçues.
L’abondance de la pêche miraculeuse, lorsque Simon-Pierre fait confiance à Jésus, en est une illustration éclatante.
Oui, Dieu est à l’œuvre à travers les actes que nous posons, comme

le rappelle le psalmiste : « Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains ». Rendons gloire à Dieu pour tous ses bienfaits ! Louons le pour affermir notre confiance en Lui !

Alors « qui enverrai-je ? » C’est le thème retenu cette année par la pastorale de la santé, pour le dimanche de la santé que nous évoquons ce week-end. Et pour la journée mondiale du malade, le 11 février, écoutons le message du Pape François : « Les lieux où l’on souffre sont souvent des lieux de partage, où l’on s’enrichit mutuellement….on se découvre être des “anges” de l’espérance, des messagers de Dieu les uns pour les
autres, tous ensemble ».
« Et il est important de savoir saisir la beauté et la portée de ces rencontres de grâce et d’apprendre à les inscrire dans notre âme pour ne pas les oublier : garder dans le cœur le sourire bienveillant d’un soignant, le regard reconnaissant et confiant d’un patient, le visage compréhensif et attentif d’un médecin ou d’un bénévole, celui, plein d’attente et d’inquiétude, d’un conjoint, d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un ami très
cher. Ce sont autant de lumières à garder précieusement qui, même dans l’obscurité de l’épreuve, non seulement donnent de la force mais enseignent le vrai goût de la vie, dans l’amour et la proximité » (Message pour la XXXIIIe journée mondiale du malade : « l’espérance ne déçoit pas et nous rend forts dans l’épreuve»).

Nous sommes invités à prier aujourd’hui pour toutes les personnes qui œuvrent de manière essentielle auprès des malades : les soignants, les accompagnateurs, les associations. En pensant, de manière non exclusive bien sûr, à ceux qui, dans leur engagement auprès des malades, ont le souci de vivre la parole de Jésus :
« J’étais malade, et vous m’avez visité » (Mt 25, 36).

Comme chacun de nous, les personnes engagées dans la pastorale de la santé peuvent elles-aussi avoir besoin de soins et de soutien.
Je vous propose donc d’entendre Odile nous livrer son témoignage, sur son expérience récente.

Dimanche matin : 1ère messe à sainte Bernadette depuis mon accident.. J’ai hésité à venir, craignant le regard des autres ; car je suis enfermée dans mon
corset de contention depuis 6 semaines ; et je renvoie une image si différente de moi-même !
La messe terminée, j’entends une paroissienne près de moi :« merci d’être là dans votre état. Vous voir comme ça, ça me donne du courage ! »
Voilà que dans « cet » état, je fais du bien à quelqu’un ! Ça, je ne m’y attendais pas…

15 avril 2024. Il est 9h30. Je grimpe allègrement l’échelle qui mène à mon grenier.
9H31 : Je suis allongée sur sur le dos, sur le ciment de mon garage. Je viens de faire une chute de 2,50m. J’ai très mal mais je suis vivante ! Je suis seule chez moi. Je crie intérieurement vers mon Dieu et le supplie de m’aider à me sortir de là ! 
Pompiers, CHU, Urgence, examens, soins… Multiples fractures vertébrale et costales et pose d’un corset de contention de tout le haut de mon corps, pour 3 mois, jour et nuit, le temps que tout cela se ressoude !

Me voici « dépossédée » de tout ce qui faisait ma vie d’avant : j’ai perdu mon autonomie. Je dois désormais compter sur les autres et faire une croix sur tout ce j’avais programmé, au moins pour les trois mois à venir. C’est très dur. Colère, amertume et angoisse pour le présent et pour l’avenir. J’ai peur !

Mais avant même ma sortie du CHU, je vais commencer à faire l’expérience l’inattendu de Dieu, de sa douce sollicitude à mon égard ! Une succession de clins d’œil du Bon Dieu… et je suis certaine que je ne les ai pas tous vus…

D’abord, Les infirmières qui devaient venir à mon domicile pour ma toilette, sont des infirmiers ; et qui plus est, ils sont turcs et musulmans ! Confiance, me souffle une voix connue !
Au travers des soins infirmiers que j’ai reçus d’eux, ce fut une belle relation humaine et spirituelle, dans la confiance et le respect. Tout en recevant mes soins, nous parlons de leur travail d’infirmiers, de l’euthanasie, en débat à ce moment là. Ils me parlent aussi de certains de leur patients, très atteints par la maladie, voir en fin de vie. Ils savent que je prie. Mon chapelet, jamais loin de moi, parle… Et j’ai vite compris que ce n’était pas pour rien qu’ils évoquaient telle ou telle personne.. Nous sommes de religion différente, certes, mais nous parlons de croyants à croyants au Dieu unique et cela nous rapproche.
Merveille de l’intercession, de chez soi, sans bouger ! Je commence tout juste à me rendre compte que bloquée chez moi, le Seigneur me confie la mission de prier pour des frères ou des sœurs beaucoup plus affligés que moi. Un clin d’œil par lequel Dieu me dit : « tu vois, tu sers encore à quelque chose. Relativise tes douleurs en pensant aux leurs. Offre-moi tout ça et noie-le dans mes souffrances à moi » !

Et les clins d’œil du Seigneur ont continué :
« Mais non, je ne t’abandonne pas. Ne crains pas, je t’aime», me disait-il!

Une vraie chaîne d’entraide s’est mise en place pour moi, qui me laisse encore aujourd’hui dans l’étonnement d’avoir été l’objet d’une telle sollicitude de sa part.
Me faciliter la vie, pour tout : lire, me restaurer, me distraire et m’aider…
Tout a été mis en œuvre pour moi, par un nombre de personnes impressionnant, proches ou non ! Petites et grandes intentions, tout m’a été un miracle quotidien renouvelé, un baume bienfaisant pour lequel je continue à rendre grâce à Dieu !

Je n’ai jamais manqué non plus de nourriture spirituelle. Quel bonheur de recevoir Jésus-Eucharistie , grâce à vous, mes amis du Service Évangélique des Malades ou autres paroissiens, qui avez largement contribué à me faire tenir dans l’épreuve.
J’ai aussi reçu le sacrement des malades, que notre Pape François appelle « la caresse de Dieu », moment de grande intensité de foi, qui m’a donné de la force et qui m’a délivrée de mes angoisses nocturnes.

Je voudrais, enfin, évoquer 2 personnes en particulier: Une amie très chère et très proche qui m’a aidée au début à apprivoiser mon état et à apprendre la dépendance et l’abandon à autrui. Et mon aide ménagère qui, à mon contact, s’est intéressée à la foi chrétienne. Et après de passionnants échanges durant les 3 mois passés avec moi, a décidé de se mettre en route vers les sacrements du baptême, de la communion et de la confirmation. Preuve que le Seigneur se sert de tout pour « conduire » celui qui le cherche !

Oui, Il a permis que j’ai cet accident. Il n’a pas supprimé la douleur causée par mes blessures, mais il m’a aidée à trouver du sens à tout cela, et m’a fait me sentir encore plus « objet et instrument de son amour »qu’avant cet évènement.

Alors, merci Seigneur pour tous ceux qui sont venus vers moi alors que j’étais faible, souffrante, et dans lesquels je t’ ai reconnu !

Merci Seigneur pour ce désir décuplé que j’ai, de me remettre au service de tous ceux qui souffrent ou sont affectés, découragés, par de quelconques blessures, maintenant que j’ai retrouvé mon autonomie et mes capacités physiques !

Merci Seigneur, pour cette expérience de foi et d’amour que j’ai vécu. Avec la petite Thérèse, je peux dire aujourd’hui, mais pas sans ton aide, que tout est grâce ! même de tomber d’une échelle !

Homélie : Guillaume Amelin, diacre
Témoignage : Odile Vignault, SEM