Homélie de l’Assomption à la chapelle de Notre-Dame de Bongarant

Marie, une modeste fille de Palestine, vivant à Nazareth, obscure bourgade de Galilée, fêtée depuis vingt siècles par les communautés chrétiennes ! Et en cette fête de l’Assomption, à
travers le monde, les catholiques fêtent cette modeste fille d’Israël qui coure à la rencontre de sa cousine, enceinte dans sa vieillesse de ce celui qui, le jour venu, ouvrira la route à ce Jésus
que Marie porte en son sein. D’où vient donc un tel attachement à Marie de la part des disciples du Christ ? Il faut revenir au Golgotha, à la croix. Au moment de retourner vers le
Père, au cœur même de sa souffrance, Jésus pose un dernier acte, un acte fondateur, il nous donne Marie pour mère. S’adressant au disciple bien-aimé, il lui dit : « Voici ta mère. » Et à
Marie : « Voici ton fils. » Ce disciple bien aimé – que la Tradition identifie à Jean l’Évangéliste – ce n’est pas seulement Jean mais chacun de nous qui portons le beau nom de
chrétien et qui sommes les disciples bien-aimés du Seigneur ! Ainsi, en ce disciple bien-aimé, c’est toute l’Église que Jésus confiait à sa mère. Et depuis ce jour, elle accomplit ce rôle en
veillant sur chacun de ses enfants. Et si nous lui sommes si attachés, c’est bien parce que cette adoption n’est pas qu’une formule creuse mais qu’elle est effective. Nous faisons, dans notre
vie, l’expérience de la tendresse maternelle de Marie. Elle veille sur nous, comme elle veilla sur les jeunes mariés de Cana : elle ouvre le cœur de son Fils à nos supplications, à nos
manques, nous invitant sans cesse à être de fidèles serviteurs du maître et à faire tout ce qu’il nous dira.

Oui, en cette fête de l’Assomption, nous fêtons le don que Dieu nous fait en Marie. Elle est notre mère, Temple de l’Esprit depuis le jour où le Sauveur du monde a pris corps en elle.
A ce titre, les quelques versets d’Evangile que nous venons d’entendre – et que nous connaissons bien – sont éloquents : Habitée par le Christ, et donc dynamisée par l’Esprit, elle
part aider sa cousine Élisabeth enceinte dans sa vieillesse, bravant les dangers des chemins et la mentalité de son temps qui ne permettait pas qu’une femme, qui plus est enceinte, parte
ainsi seule sur les chemins. Élisabeth ne s’y est pas trompée, pas plus que Jean-Baptiste qui gigota dans le sein de sa mère. Ce ne pouvait être que la mère du Sauveur qui osa une telle
aventure, qui osa ainsi aller à sa rencontre pour se mettre à son service ! C’est dans ce risque pris par Marie pour aller à la rencontre d’Élisabeth et se mettre à son service que jaillit la
reconnaissance du Messie. Elle pouvait alors crier d’une voix forte : « comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Sauveur vienne jusqu’à moi ? » Et Marie pouvait laisser éclater,
en réponse, le cantique d’action de grâce : « le Seigneur fit pour moi des merveilles ! ».

Invitation à prendre nous aussi, sans crainte et avec courage, le chemin de la rencontre, pour le service, afin de manifester, nous aussi, le Messie ! N’est-ce pas là, d’ailleurs, le message
que le Pape François adressa aux jeunes lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne : « Chers jeunes, je voudrais regarder chacun de vous dans les yeux et vous dire :
sois sans crainte, n’aie pas peur ! Mais je vous dis en plus une chose très belle : ce n’est plus moi, c’est Jésus lui-même qui vous regarde maintenant. Il vous regarde, Lui qui vous connaît.
Il connaît le cœur de chacun d’entre vous, il connaît la vie de chacun d’entre vous, il connaît les joies, il connaît les peines, les succès et les échecs, il connaît votre cœur. Et aujourd’hui, il
vous dit, ici, à Lisbonne, en ces Journées Mondiales de la Jeunesse : « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur, courage, n’ayez pas peur ! »
Ce chemin de la rencontre pour le service, celui-là même qu’emprunta Marie, est le chemin de la construction du Royaume :
Un Royaume où les puissants – tous ceux qui écrasent leurs frères de leur puissance qu’elle soit physique, économique, politique, sont renversés et les humbles élevés ; un monde où les
riches – tous ceux qui font de l’argent un objectif plutôt qu’un moyen, tous ceux qui écrasent leurs frères de leur savoir, de leurs compétences plutôt que de les mettre à leur service, sont
renvoyés et les affamés sont comblés. Marie a emprunté ce chemin. Elle a ainsi vécu, en plénitude, l’Évangile de son Fils, de la nuit de Bethléem, en passant par la nuit du Golgotha ;
jusqu’à la Résurrection et au don de l’Esprit, dans la chambre haute avec les apôtres au jour de la Pentecôte… Ce chemin l’a conduit jusqu’à son Assomption car il est chemin de vie, de vie
éternelle. C’est ce chemin, frères et sœurs, que nous sommes invités à emprunter aujourd’hui et Marie nous y appelle. Il est chemin de pauvreté, d’humilité et d’obéissance au Seigneur qui
témoigne de ce Royaume où chacun se sait aimé de Dieu, reconnu dans sa dignité d’enfant de Dieu, et disponible à l’Evangile de son Fils Jésus.

Nous pouvons ainsi mieux saisir le sens de cette fête de l’Assomption : au terme de ce chemin, fait de confiance en son Dieu, de fidélité à sa Parole, de service et de don de soi, le
Seigneur prend avec lui Marie sa mère, afin de lui faire partager sa gloire. Marie est la première à être associée à la résurrection de son Fils le Christ Jésus. Nous contemplons donc,
en Marie, notre propre destinée, notre espérance réalisée. En elle nous découvrons où va notre vie, quel est son accomplissement. En effet, nous croyons au Christ, nous sommes destinés à
« revivre en lui et avec lui ».

Cette fête de l’Assomption est donc une fête dynamique qui invite à nous mettre en chemin, à la suite de Marie afin de revivre ce mystère de la rencontre. En se rendant chez sa cousine
Élisabeth, Marie ne dit presque rien. Elle la salue et se met à son service. Par elle, Dieu est présent à Élisabeth.

Comme Marie, par notre présence discrète mais agissante, Dieu se rend présent à toutes les Élisabeth d’aujourd’hui ; c’est-à-dire à toutes ces personnes qui dans notre monde de violence
et de chacun pour soi ont besoin de tendresse, d’écoute, de mains ouvertes et de confiance dans l’avenir. Avec Marie, obstinons-nous à porter un regard de vivants, un regard de croyants
sur notre monde.

Marie est maintenant dans la pleine lumière de Dieu. Comme aux noces de Cana, elle s’efface derrière Jésus : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Lui seul est la lumière du monde. Lui seul
est le chemin, la vérité et la vie. Amen.

Laurent PERCEROU
Evêque de Nantes