Homélie – 3ème dimanche de l’avent

Frères et sœurs, « soyez toujours dans la joie » nous dit Saint Paul. Cette invitation semble aujourd’hui décalée, alors que la guerre sévit en Israël et Palestine, en Ukraine et dans bien d’autres lieux de notre monde. Le terrorisme nous menace et tant de personnes n’arrivent même pas à se nourrir chez nous. Il suffit d’ouvrir les yeux sur les files de personnes devant les Restaurants du cœur, ou au Bignon, près de sainte Bernadette, sur les familles qui viennent chercher leur colis de nourriture et de produits d’hygiène distribués par l’association Partage Solidarité Orvault ! Quand Saint Paul parle de joie, il ne s’agit pas d’un optimisme béat, ni d’une gaité superficielle qui ferait abstraction de nos problèmes. Mais il s’agit de la joie profonde de la communauté des chrétiens et de chacun et chacune de nous en particulier, joie qui prend sa source dans la bonne nouvelle et dans une vie fraternelle habitée par l’Esprit du Seigneur.
Cet impératif de Saint Paul « soyez toujours dans la joie » se conjugue indissociablement avec trois attitudes chrétiennes « priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance » et « discernez la valeur de toute chose » avant d’agir.
Prier : Dans un monde où le stress et l’immédiateté deviennent la règle, prenons le temps de nous arrêter pour prier, à la suite de Jésus qui se mettait à l’écart pour prier son Père. Il y a plusieurs manières de prier. Mais prier c’est toujours cultiver une relation avec Dieu. Dans la prière personnelle comme communautaire, nous nous adressons au Seigneur : C’est une prière, ancrée dans le réel, qui porte notre vie au Seigneur et le Seigneur dans nos vies, un temps pour rendre grâce, pour dire merci à Dieu. C’est alors que nous pouvons remettre les choses à leur place dans le tohu-bohu de nos existences.
Discerner : Le temps de la prière, de la mise à l’écart, nous permet de « discerner la valeur de toute chose, » de faire le tri, de garder ce qui est bien et d’éloigner le mal. C’est le moyen de vivre en relation avec Jésus, de nous accorder à Lui et d’être habité par l’Esprit. Alors « la joie dont il est question ici, c’est la joie du cœur, l’espérance pour temps difficiles ; elle se fonde sur la présence de Jésus, le Christ, lumière du monde. »(Antoine Gagnié).
Agir : L’esprit du Seigneur nous pousse à agir : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, dit Le prophète Isaïe, Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté ». Les fruits de l’Esprit sont contraires à l’enfermement, au repli sur soi. C’est l’Eglise « en sortie » dont nous parle le Pape François, c’est la présence aux
périphéries, en particulier auprès de ceux qui sont au bord de la route, en ces temps de Noël : les SDF, les migrants, les isolés… N’importe qui peut agir : ce peut être simplement visiter une personne seule ou malade, faire un don à une association caritative, être attentif à ses voisins. Nous avons tous fait l’expérience que ces rencontres procurent une joie partagée et ont un parfum d’évangile.

Jean le Baptiste, dans l’évangile, est au milieu des gens qui le suivent, ses « followers » ; mais contrairement aux influenceurs, il ne travaille pas pour lui. Il n’agit pas pour son compte. Il pointe son doigt vers celui qui vient, vers celui qui est la lumière. La lumière est un beau symbole qui accompagne toute notre vie de chrétien, au baptême, la lumière est remise aux parrain et marraine pour le baptisé, avec mission de l’entretenir ; à Pâques, la lumière du cierge pascal est le signe du Christ ressuscité ; à Noël la lumière de l’étoile guide les bergers et les mages. Tous ces temps liés à la lumière sont des temps de joie. Cela perdure dans notre société laïque : voyez les illuminations de Noël. Mais cette lumière peut rester très extérieure, superficielle, pour oublier, un temps, les difficultés de la vie. Pour les chrétiens, l’intime conviction de la présence du Christ, à nos côtés, tous les jours de notre vie, est source d’une joie profonde permettant de faire face aux difficultés et aux épreuves de la vie. Jean-Baptiste, cet homme choisi par Dieu pour annoncer la venue du messie se présente comme un témoin, un précurseur, celui qui montre le chemin, qui ouvre la voie à Jésus. De ce qu’il dit et de la manière dont il s’exprime, nous pouvons retenir trois enseignements qui peuvent nous inspirer, chrétiens d’aujourd’hui. Nous sommes aussi des précurseurs dans un monde laïc déchristianisé.
L’humilité : Jean Baptiste a la responsabilité énorme de présenter celui qui a été annoncé par les prophètes. Mais il ne se met pas sous les feux de la rampe pour annoncer l’arrivée du messie. Il n’attire pas vers lui, il dirige les foules qui viennent vers celui qu’il annonce, et souligne l’écart entre sa propre personne et Jésus : « Je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ».
Le témoignage : l’humilité de Jean n’est pas synonyme de repli sur soi, de frilosité. Il n’a pas peur de répondre aux prêtres et aux lévites qui viennent l’interroger. Il sait que sa parole provoque et qu’il risque d’en subir les conséquences… Ne sera-t-il pas décapité sur l’ordre d’Hérode ? Il est martyr, c’est-à-dire témoin jusqu’au don de sa vie.
L’ouverture : Jean est un précurseur, un ouvreur de chemin. Il faut du courage pour ouvrir des chemins nouveaux, préparer la voie du Seigneur, tracer le chemin, semer des grains d’évangile qui pourront éclore et conduire à la rencontre de Jésus.

Jean le baptiste est pour nous l’icône du disciple missionnaire. Quand il est à l’écart dans le désert, il prie, il discerne et quand la foule vient à sa rencontre, il montre le chemin qui conduit à Jésus. A nous désormais d’orienter ceux que nous côtoyons vers la lumière du Christ, de rayonner de la joie de l’évangile, d’être des témoins d’espérance dans les temps difficiles que nous traversons. « N’éteignez pas l’Esprit, … mais discernez la valeur de toutes choses, ce qui est bien, gardez-le. » Notre joie de chrétien se fonde sur la présence du Christ aujourd’hui chez nous, lumière du monde, et, sur l’attente du royaume de Dieu, royaume de paix, de justice et d’amour. Ensemble, frères et sœurs, préparons-nous à Noël dans la joie.

Yves Michonneau, diacre