« Tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu mais celles des hommes ». Voilà ce que Jésus a déclaré à Pierre dans l’évangile que nous avons entendu dimanche dernier.
Aujourd’hui encore la Parole de Dieu nous bouscule. Elle oppose la logique des hommes à celle de Dieu, Elle oppose les actions de ceux qui méditent le mal à la sagesse qui vient d’en haut. Elle oppose la demande de l’homme à la réponse de Dieu. Elle oppose la recherche d’une réussite personnelle à l’accueil des tout-petits dans lesquels Dieu se révèle. Elle nous invite à suivre Jésus sur le chemin du serviteur qui donne sa vie par amour.
Le livre de la Sagesse est écrit peu avant la venue du Christ par un croyant qui vit à Alexandrie. A cette époque, de nombreux juifs s’y étaient réfugiés. Parmi eux, beaucoup ont abandonné la pratique religieuse. Ils ont fini par renier leur foi. Ils ne supportent plus les croyants qui sont restés fidèles. A leurs yeux, ils sont un reproche permanent. C’est pourquoi ils les tournent en dérision et ils veulent s’en débarrasser en les condamnant à mort, et même une mort infâme !
Les difficultés et les épreuves que ces juifs ont traversées autrefois se poursuivent aujourd’hui.
Entre 1994 et 1996, en Algérie dix-neuf religieux catholiques, dont sept moines de Tibhirine ont été tués puis béatifiés comme martyrs au nom de leur foi. Parmi eux, Célestin et Michel.
Cette année plus de 13 chrétiens sont tués chaque jour dans le monde. Les pays les plus touchés par la persécution sont l’Inde, la Chine, la Corée du Nord et plusieurs pays d’Afrique, comme le Nigeria, le Mali et le Burkina.
Dans notre société française, bien des gens sont indifférents, voire hostiles, à la foi chrétienne. Les scandales actuels qui secouent l’Eglise n’arrangent pas la situation. La parole des chrétiens ne semble plus crédible. Le message de l’Evangile passe mal.
Dans la seconde lecture, saint Jacques n’est pas plus positif : il dénonce « la jalousie et les rivalités [qui] mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. » Pour lui, c’est la convoitise de l’être humain qui est à l’origine des guerres, des violences et du mal en nous et dans le monde. Aux désirs pervers qui nous habitent, il oppose « la sagesse qui vient d’en haut ». Une sagesse bienveillante, conciliante, miséricordieuse et féconde.
Aux demandes égoïstes que nous formulons pour obtenir ce que NOUS voulons, l’apôtre oppose la recherche de justice qui peut faire de nous des artisans de paix.
Dans l’évangile selon Marc, nous avons entendu que les disciples de Jésus discutent en chemin. En fait ils se divisent pour savoir lequel sera à la tête du gouvernement, lesquels seront ministres du travail, de l’éducation ou des finances… L’évangéliste Marc situe leur discussion en opposition immédiate à l’annonce que Jésus vient de leur faire et qu’ils n’ont pas comprise : « Le Fils de l’Homme est livré aux mains des
hommes, ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Le sort de Jésus semble les laisser indifférents. Jésus parle de sa mort. Eux parlent de leur place d’honneur. Jésus leur parle un langage d’humiliation, de mort et de rédemption. Eux, ils parlent un langage d’arrivistes et d’opportunistes….
Leur tentation que le pape qualifie d’une « envie mondaine d’avoir le pouvoir » nous concerne tous. Face à notre besoin d’unité intérieure, cette tentation peut s’introduire en nous et provoquer des tensions internes sous des allures extérieures de modestie.
Face à notre désir de communion, elle s’introduit dans nos communautés chrétiennes marquées par des sensibilités différentes. Face au souhait d’une véritable synodalité, elle s’introduit dans l’Eglise universelle où elle provoque des incompréhensions et des divisions.
Face à la querelle de ses disciples, Jésus réagit immédiatement : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous ». Il s’agit donc de se mettre en tenue de service. En plaçant devant lui un enfant, Jésus insiste. Il se fait plus précis : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille… moi et celui qui m’a envoyé. » Le message est clair.
Après trois textes qui dénoncent l’usage de la violence et la course au pouvoir, Jésus nous indique le chemin du serviteur. Se mettre au service des enfants, c’est se tourner vers l’avenir et ouvrir une espérance. Se mettre au service des plus petits et des plus fragiles de la société, c’est accueillir Jésus lui-même. Ce chemin, c’est celui qu’il vient d’annoncer à ses disciples et qui va le conduire jusqu’à sa mort et à sa résurrection. Ce qu’il nous propose aujourd’hui, c’est de renoncer à nous-mêmes, à nos envies et à nos ambitions personnelles. C’est de ʺfaire Eglise ensemble ʺ pour l’accueillir, Lui et son Père, en chacune des personnes que nous rencontrons.
Hubert Ploquin, diacre