L’Évangile de ce dimanche pourrait se comprendre comme le récit d’une tentation de Jésus, peut-être la plus douloureuse, parce qu’elle vient d’un ami privilégié, d’un homme de confiance, l’apôtre Pierre, à qui le Seigneur venait de confier son Église. La réponse immédiate et sans concession de Jésus nous cadre
dans sa volonté de sauver le monde et nous invite à marcher à sa suite.
Cet Évangile suit immédiatement celui de dimanche dernier et fait corps avec lui. Pierre vient de proclamer que Jésus est « le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Jésus l’a félicité, et lui a fait remarquer toutefois que sa profession de foi relève d’une révélation du Père.
La suite du récit montre que Pierre ne comprend pas ce qu’il confesse.
Quand Jésus dévoile la mission du Messie, Pierre est troublé. Il refuse le chemin, qui doit passer par Jérusalem, où Jésus connaitrait la mort, puis la résurrection. Il fait de vifs reproches à Jésus : « Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas ». Qui d’entre nous n’aurait pas fait de même ? Ces reproches de Pierre ne sont-ils pas le signe d’un grand amour, d’un attachement humain ?
Tout comme beaucoup de ses contemporains, Pierre et ses compagnons attendaient un « Messie-Roi ». Un Messie qui libérerait Israël de l’occupation romaine. La profession de foi de Pierre, à Césarée de Philippe, n’était pas exempte d’arrière-pensées. N’espérait-il pas obtenir un jour une bonne place, une
bonne situation aux côtés du Messie ? La mère des fils de Zébédée était claire sur cette question. Cette bonne mère, tout comme Pierre et les apôtres, ne comprennent ni la croix, ni la résurrection. Ils en sont même choqués. Pierre rejette la perspective qu’annonce Jésus, sa passion, sa mort et sa résurrection. Il
renie ce qui est le plus clair et le plus cher pour le Christ : sa mission selon la volonté du Père qu’il aime ! Jésus donne le ton de façon troublante. Il menace Pierre d’un ton dur : ! « Passe derrière moi, Satan … »
Oui, Jésus qualifie Pierre de « Satan ». Et il poursuit : Tu es pour moi un adversaire, un obstacle. Pierre a voulu préserver Jésus tout en le poussant inconsciemment à l’abandon de sa mission. Il estimait en effet que cette mission ne correspondait pas à ce que lui et les autres imaginaient du royaume à venir.
C’est à ce niveau que nous pouvons nous demander, comment discerner la volonté de Dieu dans nos vies. Comment la faire passer avant nos projets, et nos préoccupations humains ? Ce discernement est permanent dans toute vie chrétienne. Le Nouveau Testament souligne la nécessité pour Jésus de prendre le chemin pascal. Il lui « fallait » monter à Jérusalem, y mourir d’abord puis ressusciter en accord avec le plan de salut du Père. C’est un engagement et non des moindres. Jésus nous engage toutes et tous sur ce chemin.
Il invite ses disciples à « marcher derrière lui » sur cette voie de salut. (Luc 14/27), Il leur indique son propre chemin… Entendons son appel et emboîtons ses pas. Porter sa croix et marcher derrière Jésus est une recommandation pour tout disciple. Mais comme le dit saint Paul, cela ne va pas de soi ! Comme pour le prophète Jérémie, il y a des difficultés sur nos routes : découragement, fatigue, doute, persécution, trahison, difficultés diverses… Il nous arrive même de renier Jésus à la manière de Pierre. Nous voulons tous suivre Jésus pourvu qu’il ne perturbe pas trop nos projets. Nous voulons bien le recevoir dans nos vies pourvu qu’il ne nous demande pas trop, qu’il ne prenne pas toute la place. C’est le réflexe de survie qui nous habite tous.
Frères et sœurs, faisons l’effort de laisser résonner en nous cette phrase du Christ : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » Pierre a su se remettre en question après la passion pour tenir sa place de témoin jusqu’au martyre. Les bienheureux Célestin et Michel ont marché à la suite de Jésus et nous indiquent la route de la fraternité vers Jésus. Seigneur rends nous capables de te suivre par-delà nos limites et nous t’aurons pour partage avec nos devanciers dans la foi. Amen.
Père Jean-Marie Ouedraogo