Homélie – 20ème dimanche du temps ordinaire

Il nous est bon d’entendre l’Evangile de ce dimanche. Jésus s’y montre homme. Homme ennuyé par une femme à laquelle il ne veut pas répondre. Homme indécis, modifiant sa décision en quelques
instants, passant du refus à l’acceptation jusqu’à l’accomplissement d’un miracle.
Homme avec un premier réflexe en faveur de sa propre race, les Juifs. Homme brusque, traitant une femme de chien, de petit chien.
Homme capable de se reprendre et d’admirer publiquement celle qu’il avait rejetée quelques instants auparavant.
Disons-le franchement, Jésus n’est pas présenté ici sous son meilleur jour. Ceci est bon à entendre, car cet évangile dur ne permet pas de douter de ce qui s’est passé, en vérité, dans cette rencontre.
Car si on avait inventé et créé ce dialogue, on l’aurait enjolivé. Et si on l’a gardé, tel quel, c’est qu’il doit être important pour chacun de nous.
En quoi cet évangile est-il important ?
Cet évangile appelle à une ouverture d’esprit sans apriori. Les Juifs s’imaginaient que Dieu ne propose le bonheur qu’à eux seuls. Dieu les aurait choisis, eux, et pas les autres. Déjà Isaïe, dans la première lecture, leur dit qu’ils se trompent. « Ce n’est pas vrai, ma maison sera une maison de prières pour tous les peuples » !
L’Evangile est encore beaucoup plus clair : la femme dont Jésus admire la foi est étrangère. Elle est de Canaan, ce pays méprisé par les Juifs. L’Evangile précise : « quelle que soient sa race et sa culture
chacun peut croire, chacun peut être sauvé ». Le salut est réservé à tous les enfants de Dieu. Et qui ne l’est pas ? Alors, il revient à chacun de nous d’instaurer de nouvelles relations avec les autres à l’instar de
Jésus.
Des rencontres et dialogues nouveaux.
Je pense aux migrants en souffrance, s’ils ne se sont pas noyés dans la Méditerranée. Ils sont confrontés à des tourments à la manière de la cananéenne. Ils ont pris des risques, beaucoup de risques pour chercher des solutions à leurs misères. Ils partagent notre humanité dans un monde en crise. Mais s’ils en arrivent là, c’est qu’ils espèrent une autre vie que celle qu’ils ont connue dans leur pays d’origine. Quel regard de foi sur eux, osons-nous ? Sommes-nous capables de dépasser les aprioris pour entendre leurs cris ?
Des déclarations n’en finissent pas de clamer les responsabilités européennes ou américaines dans les malheurs du monde. Peut-être !Mais il ne faudrait pas refuser de voir les vols, les erreurs, la passivité, le manque d’initiatives et les détournements des fonds de développement par les dirigeants de leurs pays d’origine. L’égoïsme existe partout. La peur de l’autre ne peut finir sans la rencontre des personnes dans la vérité, l’ouverture et l’attention aux événements mondiaux souvent dramatiques.

Conclusion
Cela dit, nous pouvons nous projeter devant la cananéenne à la place de Jésus. Autour de nous, de multiples cananéennes crient famine et voudraient des miettes, sinon du pain. Ce sont des peuples
entiers qui ont faim de pain et de paix, de Dieu et de respect. Des milliers d’enfants meurent de malnutrition et de maladies révolues dans des pays en développement. Des jugements malveillants,
injustes et trop rapides devant ces situations sont le signe de notre refus d’entendre ces cris et d’y répondre.
Les Cananéennes sont nombreuses aujourd’hui à supplier, à implorer devant nous. L’important, c’est de les reconnaitre, de rencontrer celles qui sont sur notre passage et de reprendre le chemin
de Jésus à leur égard. Cela reste pour chacun de nous un chemin de conversion, de témoignage d’humanité et de foi. Le pape François reviendra sur ses cris en septembre à Marseille.
L’Evangile met en relief le cri du pauvre, nous faisant comprendre que tous, nous sommes pauvres devant Dieu. Être chrétien, c’est à la fois entendre le cri des pauvres et se reconnaître soi-même pauvre.
C’est aussi entendre Dieu qui nous dit. « Vous qui êtes pauvres, ayez confiance » ! Je ne vous abandonnerai pas. Je vous invite à mon repas, à mon banquet. Et à ce banquet, nous n’aurons pas que des miettes. Ce sera le Christ lui-même, nourriture pour le salut du monde qui nous est donné. Alors, frères et sœurs, devenons nous aussi, à la suite du Christ, pain pour la vie du monde. Amen.

Jean-Marie Ouedraogo, prêtre