De tout temps, la sollicitude pastorale de l’Église a réservé un accueil patient, un discernement prudent et un approfondissement cohérent, aux élans de la piété populaire, pour le bien spirituel de ses enfants. Si une telle bienveillance pastorale nous donne de vivre une proximité particulière avec la Sainte Vierge Marie durant le mois de mai, celui de juin s’ouvre à nous comme le moment favorable pour retrouver « le cœur à Cœur-Sacré » avec le Christ Sauveur, notamment dans l’Eucharistie célébrée et adorée.
Primauté de la sainte liturgie sur la piété populaire
Le décret de promulgation du directoire sur la piété populaire et la liturgie indique que tout « en affirmant la primauté de la Liturgie, « sommet vers lequel tend toute l’action de l’Église, et en même temps, la source d’où découle toute sa vertu » (Sacrosanctum Concilium 10), le Concile Œcuménique Vatican II rappelle, toutefois, que « la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule liturgie » (ibidem 12). En effet, la vie spirituelle des fidèles est aussi alimentée par les pieux exercices du peuple chrétien », (…) qui doivent être réglés de façon à s’harmoniser avec la liturgie ». Ainsi, au sommet de la dévotion au Sacré-Cœur, l’Eglise a inscrit dans le calendrier liturgique la solennité qui le célèbre, au vendredi qui suit la fête du très Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ. La publication de la lettre encyclique du pape François « sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ », six mois avant sa mort, pourrait être perçue comme un appel providentiel à soigner particulièrement notre vécu de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus, en cette année jubilaire placée sous le signe de l’Espérance.
En cela les formes de dévotions au Cœur du Sauveur, explicitement approuvées et fréquemment recommandées par le Siège Apostolique, pourraient s’avérer profitables.
Quelques pieux exercices de dévotion au Sacré-Cœur
En vérité, « La dévotion à l’égard du Sacré-Cœur constitue, dans l’histoire, une expression majeure de la piété de l’Église envers le Christ Jésus, son Époux et son Seigneur; elle comporte une attitude fondamentale constituée par la conversion et la réparation, l’amour et la gratitude, l’engagement apostolique et la consécration au Christ et à son œuvre de salut » (Directoire sur la liturgie et la piété populaire N°172). Une telle dévotion peut se formaliser dans un acte de consécration personnelle ; une consécration au Cœur du Sauveur, qui se vivrait également dans une démarche familiale pour le bénéfice de tous les membres d’un foyer
chrétien. L’usage des litanies du Cœur de Jésus dans la prière pourrait nourrir la proximité spirituelle qui permet de cultiver en soi, « les dispositions qui sont dans le Christ Jésus » (Ph2, 6). En fait, « le Cœur du Christ s’identifie au Christ lui-même », « c’est- à-dire la totalité de son être, ou le centre intime et essentiel de sa personne : Fils de Dieu, sagesse incréée, Amour infini, principe du salut et de sanctification pour toute l’humanité… Dans l’Esprit Saint, le Cœur de Jésus est orienté, par nature, avec un amour infini à la fois divin et humain, vers le Père et vers les hommes, ses frères ». Pour les baptisés, l’accueil de l’amour infini qui
déborde de ce Cœur aimant se réalise sacramentellement et spirituellement dans la communion et l’adoration eucharistiques.
Le cœur à cœur avec le Christ dans sa présence eucharistique
Pour expliciter le rapprochement entre le culte eucharistique et celui du Sacré-Cœur, le pape François fait appel à saint John Henry Newman : « Pour lui, grand penseur, le lieu de la rencontre la plus profonde, avec lui-même et avec le Seigneur, n’était pas la lecture ou la réflexion, mais le dialogue priant, cœur à cœur avec le Christ vivant et présent. C’est pourquoi Newman a trouvé dans l’Eucharistie le Cœur de Jésus-Christ vivant, capable de libérer, de donner un sens à chaque instant et de répandre en l’homme une paix véritable : ‘Ô très Sacré, très aimant Cœur de Jésus, tu es caché dans la Sainte Eucharistie et tu bats toujours
pour nous’ » (Delexit Nos N° 26). Voilà pourquoi la dévotion au Sacré-Cœur peut s’articuler harmonieusement avec l’adoration du Saint-Sacrement que l’Église recommande vivement aux pasteurs et aux fidèles. La dévotion eucharistique qui peut se traduire, entre autres formes, par une courte visite au Saint-Sacrement présent dans le tabernacle ou par l’adoration devant le Saint-Sacrement exposé dans l’ostensoir, reste intrinsèquement liée au sacrifice Eucharistique qui rend présent l’unique sacrifice du Christ sur la croix, alors même qu’il en découle. La proximité calendaire de la solennité du Sacré-Cœur d’avec celle du Saint-
Sacrement dont elle prend place dans l’octave, ne serait donc pas une coïncidence fortuite !
Tout compte fait, aborder le mois de juin dans la recherche du « cœur à Cœur-Sacré » avec Jésus peut nous permettre de franchir la véritable Porte Sainte ouverte à coup de lance, dans la communion jubilaire avec tous les pèlerins de l’Espérance qui franchissent les portes ouvertes à coups de crosses, à la rencontre de Celui qui est là présent dans l’Eucharistie.
Père Alain-Michel, prêtre de la paroisse Bienheureux-Célestin-et-Michel-en-Val-de-Cens